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L’Âge du Fer ancien

Fouilles à Nin-Bèrè 3, 2008.

Fig. 1 Fouilles à Nin-Bèrè 3, 2008.

Une période de transition entre le Néolithique et l’Âge du Fer, qui correspond chronologiquement à la phase 6 de l’Holocène d’Ounjougou (800-400 av. J.-C.), a pu être discernée à la fois sur le plateau de Bandiagara et dans la plaine du Séno (voir l’article sur le Néolithique récent). Les caractéristiques de la céramique de cette phase indiquent alors une continuité générale avec le Néolithique récent. Les décors couvrants obtenus par impression roulée d’outils composites à armatures simples ou multiples demeurent fréquents sur le plateau et au pied de la falaise, mais apparaissent plus rarement dans la plaine du Séno où l’on constate l’apparition de décors roulés à l’aide d’outils composites à armatures multiples cordées qui produisent un motif organisé en deux axes perpendiculaires. Cette technique de décoration, connue dans le Méma dès le début du 2ème millénaire av. J.-C., est également attestée dans le sud-ouest du Gourma au 1er millénaire av. J.-C.

Céramiques carénées du site de Nin-Bèrè 3 (Ozainne 2013)

Fig. 2 Céramiques carénées du site de Nin-Bèrè 3 (In: Ozainne 2013)

À cette phase de transition succède une période correspondant à un Âge du Fer ancien local, connu pour l’instant uniquement dans la plaine du Séno (fig. 1). Ses bornes chronologiques restent à préciser, mais il est, en l’état des connaissances, calé entre 500 et 200 av. J.-C. D’un point de vue culturel et technique, on remarque une forte progression de la représentation de la chamotte dans les pâtes céramiques, même si elles sont toujours majoritairement dégraissées avec du quartz. Les formes à ouverture rétrécie et à bord éversé sont toujours présentes mais en proportions minimes, et l’on remarque surtout l’apparition de plusieurs types de poteries carénées comportant des décors géométriques incisés, parfois associés à de la peinture (fig. 2). Les motifs couvrants en trame perpendiculaire apparus lors de la phase précédente sont toujours très bien représentés, et l’on note un usage courant du polissage de la surface des poteries. Les seuls témoignages d’industries lithiques taillées associés aux débuts de l’Âge du Fer sont en relation avec le débitage d’éclats de quartz hyalin destinés au façonnage de petites perles polies très fines (1-2 mm d’épaisseur), perforées par piquetage puis percussion. La fabrication de pointes et de biseaux en os est aussi attestée.

Fragment de perle en pâte de verre. Nin-Bèrè 3, horizon 2.

Fig. 3 Fragment de perle en pâte de verre. Nin-Bèrè 3, horizon 2 (In: Ozainne 2013)

Associés à cet ensemble, deux fragments d’objets non identifiés et un fragment de masse brute de réduction constituent les plus anciens témoignages de fer connus à ce jour en pays dogon. Le métal a peut-être été forgé à proximité mais aucun témoignage de réduction du minerai associé à cette période n’est en revanche connu pour l’instant. La découverte d’un fragment de perle en pâte de verre d’origine méditerranéenne (fig. 3) soulève également la question de l’existence de circuits commerciaux transsahariens bien avant à la période islamique.

Ce premier Âge du Fer en Pays dogon est ainsi caractérisé par l’arrivée de nouveaux apports techniques et culturels dans un substrat où perdurent quelques dernières composantes du Néolithique récent local. Le mobilier archéologique de cette phase indique à la fois des influences orientales du bassin du lac Tchad et/ou septentrionales, dans ce second cas probablement en relation avec de nouvelles migrations en provenance du Sahara, et l’arrivée de traits culturels plus régionaux pointant vers le Méma, le delta intérieur du Niger et le sud-ouest du Gourma. La séquence archéologique de la plaine du Séno est ensuite marquée par un hiatus archéologique de plusieurs siècles, ce qui tend à confirmer que le peuplement de l’ensemble du pays dogon a connu des perturbations lors de la transition Holocène récent-Holocène terminal, une période caractérisée par une importante péjoration climatique . Bien qu’une courte période d’aridité ait pu jouer un rôle dans la transition vers la période pré-dogon, la région n’a toutefois pas été complètement abandonnée durant les derniers siècles avant notre ère, comme en témoignent les premières sépultures en colombins érigées dans la falaise (voir l’article sur les sépultures pré-dogon). Il apparaît donc en l’état des connaissances que l’arrivée du fer dans la région est antérieure à l’installation des premiers groupes pré-dogon tels qu’on les définit aujourd’hui (voir article sur le peuplement pré-dogon et dogon).

Sylvain Ozainne