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Le site de Farabana

Les canons de Farabana. Photo N. Spuhler

Les canons de Farabana. Photo N. Spuhler

Une mission de repérage menée en décembre-janvier 1998-99 dans la vallée du Sanoukholé, a conduit à la découverte inattendue d’un ensemble de canons en fonte, antérieurs à la période coloniale, déposés sur la place du village de Farabana, du côté malien de la Falémé. Le récent développement de notre programme dans la vallée de la Falémé nous a permis de retourner dans ce village et d’enquêter plus avant sur cette trouvaille.

Les vestiges visibles actuellement

Lors de la prospection de 2012, nous avons retrouvés cinq canons en fonte sur la place du village et deux autres dans la concession de la famille d’un notable. Ces canons sont tous de calibre massique 1     (1 livre), leur diamètre à la bouche mesurant 53 mm. Ils appartiennent à deux types distincts. Le premier, d’une longueur moyenne de 136 cm et manifestement le plus ancien, porte sur les plats des tenons les monogrammes XL et HB, la bouche et le bouton de culasse étant tous deux moulurés, de même que les premiers et deuxième renforts, à doubles bandeaux moulurés, et les renforts de volée et de culasse. Le second, d’une longueur légèrement supérieure, 147 cm, et peut-être plus récent, présente un fût orné de 3 fleurs de lys, ainsi que les initiales CI gravées de part et d’autre du canal de mise à feu. Les initiales CI pourraient être celles de la Compagnie des Indes.

Deux autres fragments de fût de canons ont également été observés. L’un, d’une demi livre (calibre de la bouche : 40 mm), a été découvert par les villageois dans la cour d’une maison en novembre 2011, alors que l’autre, de calibre massique 2 (calibre de la bouche : 65 mm), a été retrouvé dans la concession du forgeron du village.

Les habitants nous ont ensuite conduit à 500 m au nord du village, à l’emplacement d’une petite construction en ruines, de forme apparemment quadrangulaire, de 13 m de côté et 1,50 m de hauteur conservée. Il s’agirait, selon eux, des ruines du bâtiment duquel les canons auraient été retirés par Faidherbe en 1858.

Des explorations européennes antérieures à l’établissement français ?

Ces installations précoces d’Européens à l’intérieur du continent, antérieures à la colonisation, sont très mal documentées, et les structures inconnues. Elles ne sont toutefois pas les plus anciennes dans cette région. En effet, de manière récurrente, de nombreux auteurs évoquent la présence de Portugais dans la zone frontalière entre le Mali et le Sénégal, et ce dans le courant des 15ème et 16ème siècles. L’affirmation d’une présence portugaise aussi ancienne au cœur du continent africain, notamment dans la vallée du Sanoukholé, n’était toutefois que purement hypothétique, basée principalement sur l’interprétation de cartes anciennes – pour la plupart françaises et datées du 17ème siècle –, et sur le récit d’auteurs se référant les uns aux autres depuis plus de trois siècles, sans qu’aucune source précise ne soit jamais citée.

Enquête à Farabana. Photo N. Spuhler

Enquête à Farabana. Photo N. Spuhler

Lors de notre mission de prospection, une trouvaille archéologique et une enquête de tradition orale menée dans le village de Farabana ont relancé le débat. Tout d’abord, nous avons découvert, à la surface de deux sites repérés en prospection, deux boulets de canons en pierre marqués par un impact de percussion (fig. 30), dont l’un est très vraisemblablement en roche d’importation. Le premier est calibré à deux livres (70 mm, 474 g) et l’autre à une livre (52 mm, 232 g). Ce type de projectile en pierre, progressivement abandonné dès le dernier tiers du 15ème siècle au profit des boulets en fonte, pourrait dès lors constituer, sous toutes réserves, l’un des plus anciens témoignages matériels de la présence d’Occidentaux à l’intérieur du continent à l’époque des « grandes découvertes ». Notre enquête auprès du griot Kono Diabaté de Farabana nous a en outre appris que, selon les populations, deux « races de Blancs » s’étaient succédé à cet endroit, antérieurement à la colonisation par le général Faidherbe : des Portugais, puis des Français.

Eric Huysecom