Les Projets Ounjougou > Ounjougou > Pays dogon – Mali > Paléométallurgie > Etude archéométallurgique de la production du fer ancienne en Pays Dogon

Etude archéométallurgique de la production du fer ancienne en Pays Dogon

Fig.1  Reconstitution d'un bas fourneau à Kobo. Dessin S. Perret

Fig.1 Reconstitution d’un bas fourneau à Kobo. Dessin S. Perret

Introduction

Dans le cadre du volet paléométallurgique, les prospections extensives et l’approche ethnoarchéologique sont complétées par des études détaillées sur des sites appartenant à des traditions métallurgiques distinctes. Elles doivent permettent de reconstituer les différentes étapes de chaîne opératoire et de comprendre les schémas d’organisation sociale et économique qui sous-tendent ces sidérurgies si variées. Ces études se font par le biais d’interventions archéologiques détaillées sur les vestiges de production (bas fourneaux, aménagements divers) et sont suivies par des analyses archéométriques en laboratoire, sur les résidus métallurgiques (scories, minerai, tuyères, parois de fourneaux).

Fig.2 Aménagements sur le site de Fiko. Dessin S. Perret

Fig.2 Aménagements sur le site de Fiko. Dessin S. Perret

Les interventions archéologiques

Sur le terrain, plusieurs aspects sont abordés. Les sondages et les fouilles dans les amas de scories permettent de mettre au jour les bas fourneaux (fig. 1) et de les reconstituer. Elles font également apparaître l’organisation spatiale des sites et les divers aménagements (fig. 2). Afin de dater les sites et de reconstituer l’évolution de la production sur les sites à longue durée, des charbons de bois sont prélevés en position stratigraphique. Des échantillons sont prélevés pour les études anthracologiques, mettant en évidence les stratégies d’exploitation des ressources boisées, mais également l’éventuel impact écologique des productions de fer à large échelle.

Fig.3  Reconstitution des surfaces des amas de scories de Fiko. Dessin S. Perret

Fig.3 Reconstitution des surfaces des amas de scories de Fiko. Dessin S. Perret

Une topographie précise des amas de scories permet de reconstituer leurs volumes (fig.3). Afin de connaître la densité des vestiges (la quantité de scories par mètre cube), il est indispensable de faire des cubages représentatifs. A partir de ces données, on peut évaluer de manière relativement précise le poids des scories sur les différents sites, étape essentielle pour pouvoir quantifier la production de fer.
Les scories (fig.4) et les autres résidus métallurgiques sont échantillonnés pour les travaux en laboratoire. L’échantillonnage constitue une étape cruciale et doit être représentatif. Ceci nécessite un bonne connaissance de l’assemblage de ces vestiges, de leur diversité et de leurs proportions, qui varient très fortement d’un site à un autre (ou entre différentes traditions technologiques).

Fig.4 Une tuyère accolée à une scorie sableuse. Dessin S. Perret

Fig.4 Une tuyère accolée à une scorie sableuse. Dessin S. Perret

L’étude des résidus métallurgiques

En laboratoire, les analyses chimiques (fig. 5) ou pétrographiques sur les diverses catégories de vestiges poursuivent deux buts. D’une part, elles permettent de comprendre ces résidus d’un point de vue technologique et de reconstituer les gestes techniques, la conduite des opérations de réduction, les conditions thermiques/physico-chimiques qui résident dans le bas fourneau, etc. D’autre part, c’est à partir de ces données que l’on peut établir un bilan des masses (un schéma des flux des matériaux). Celui-ci fournit des indications sur l’efficacité du procédé, mais aussi une base de calcul pour quantifier la quantité de fer produit par tonne de scories ou au niveau du site. Si l’on dispose d’une bonne chronologie pour les sites, il est ainsi possible de faire une estimation de la production de fer annuelle, que l’on peut opposer aux chiffres sur la consommation, pour l’instant malheureusement trop incomplets. Ces chiffres sont également de première importance lorsqu’on discute d’une éventuelle déforestation, puisque l’on peut évaluer la quantité de charbon de bois nécessaire pour produire ce fer.

Fig.5. Diagramme ternaire représentant les compositions chimiques de scories coulées typiques. Dessin S. Perret

Fig.5. Diagramme ternaire représentant les compositions chimiques de scories coulées typiques. Dessin S. Perret

Une extraordinaire diversité technologique

Une demi-douzaine de sites ont pu être fouillé à ce jour, dont certains de manière extensive. Trois sites font actuellement l’objet d’études en laboratoire. Les premiers résultats témoignent de l’extraordinaire diversité technologique en pays dogon, où se côtoient des productions à caractère strictement local et des sidérurgies à très large échelle. Les différentes traditions métallurgiques ne se distinguent pas seulement par leur caractéristiques techniques (efficacité et fonctionnement des opérations de réduction), mais également par la structuration de l’espace de travail, propre à chaque groupe. Il est beaucoup trop tôt pour évaluer l’évolution diachronique de ces métallurgies et leur degré de parenté. Il apparaît cependant que cette diversité, tant au niveau technologique que de l’organisation de la production, ne témoigne pas tant d’une démarche cherchant à maximiser l’efficacité du procédé, mais relève plutôt de fortes contraintes sociales et culturelles.

 

 
Sébastien Perret