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L’évolution des paysages fluviaux du Yamé durant l’Holocène

 Fig. 1. Photographie de la Rive droite du Yamé entre les ravins du Hibou et de la Mouche. Photo L.Lespez

Fig. 1. Photographie de la Rive droite du Yamé entre les ravins du Hibou et de la Mouche. Photo L.Lespez

Objectif généraux

Ces travaux ont été effectués dans le cadre des études paléoenvironnementales mené par un groupe de chercheur des universités de Caen, de Francfort, d’Angers et de Rouen. En suivant une approche à la fois géomorphologique, sédimentologique et géoarchéologique, ces recherches portent principalement sur la compréhension des mutations des paysages fluviaux du Yamé au cours des dix derniers millénaires.

 Fig. 2.Coupe synthétique longitudinale du Ravin sud (Rive droite). Photo L.Lespez

Fig. 2.Coupe synthétique longitudinale du Ravin sud (Rive droite). Photo L.Lespez

L’objectif est triple. Il s’agit d’abord d’établir un cadre chronostratigraphique général utilisable par les archéologues et les spécialistes des analyses paléobiologiques. Il s’agit ensuite de comprendre le rôle des oscillations paléoclimatiques sur le fonctionnement du cours d’eau et d’en déduire leurs conséquences pour les sociétés locales. Il est alors possible de contribuer à la discussion sur l’impact des sociétés sur les zones humides de la vallée du Yamé et plus généralement sur les environnements de l’ensemble du plateau de Bandiagara au cours des douze derniers millénaires.

Fig. 3. Coupes synthétiques transversales de la vallée du Yamé. Dessin L.Lespez

Fig. 3. Coupes synthétiques transversales de la vallée du Yamé. Dessin L.Lespez

Démarche, méthodes et premiers résultats

En Afrique occidentale soudano-sahélienne, le climat possède une distribution globalement zonale, principalement rythmée par le déplacement de la Zone Intertropicale de Convergence (ZITC) en réponse aux changements saisonniers du maximum d’insolation. En hiver, la migration vers le sud de la ZITC soumet les régions à l’influence des hautes pressions sahariennes et à un flux continental d’est, l’Harmattan. En été, la migration vers le Nord de la ZITC entraîne l’arrivée du flux de mousson responsable des précipitations de la saison des pluies. C’est en regard des fluctuations de cette dynamique zonale que doivent être discutées les mutations du système fluvial enregistrées par la vallée du Yamé au cours de l’Holocène.

 Fig.4 Synthèse chronostratigraphique des sédiments holocène du Yamé.

Fig.4 Synthèse chronostratigraphique des sédiments holocène du Yamé.

Les recherches ont d’abord consisté dans le suivi systématique, sur plusieurs kilomètres, des limites stratigraphiques des formations pléistocènes et holocènes, à partir du relevé précis d’une centaine de coupes (fig.1). Ainsi a été mise en évidence la succession de 18 séquences holocènes, caractérisées par une organisation spécifique des macro- et micro-faciès sédimentaires. Les dates acquises par la méthode du radiocarbone (AMS et conventionnelle) sur des charbons des niveaux holocènes permettent de caler avec précision ces différentes séquences (fig. 2 & 3). L’analyse des faciès sédimentaires repose sur l’étude des caractéristiques observables sur le terrain, ainsi que sur des analyses granulométriques réalisées au granulomètre laser et des observations micromorphologiques réalisées à partir de blocs de sédiments non perturbés prélevés directement sur les coupes étudiées. Ces dernières permettent d’obtenir des renseignements sur l’organisation interne des sédiments et de passer de la description des macro- aux micro-faciès.

Fig.5 Synthèse chronostratigraphique des sédiments holocène du Yamé.

Fig.5 Synthèse chronostratigraphique des sédiments holocène du Yamé.

A ce jour, les enregistrements sédimentaires de la vallée du Yamé sont uniques à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest. Ils offrent en effet une nouvelle séquence pour analyser les conséquences sur les environnements continentaux des changements climatiques et de l’action des sociétés depuis les premiers groupes producteurs de céramique qui fréquentaient le ravin de la Mouche, il y a plus de 11 000 ans (fig.4 et 5).

La compréhension précise de l’évolution des paysages fluviaux permet de contribuer, avec les résultats des études paléobiologiques, à la définition des ressources offertes par le fond de vallée et ses zones humides aux populations qui se sont succédées sur les sites d’Ounjougou. Mais comme le système fluvial est un puissant intégrateur spatial, il permet également d’accéder à des informations valides à l’échelle du bassin versant, c’est-à-dire de celle des versants dominant le fond de vallée jusqu’à l’ensemble du plateau de Bandiagara.

Laurent Lespez