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Le projet Falémé

Initié par une série de prospections en 2011, le projet a pour objectif général d’établir un cadre chrono-stratigraphique, culturel et environnemental pour l’ensemble de la vallée de la Falémé, située dans l’est du Sénégal. Le projet, intégré dans le programme international « Peuplement humain et paléoenvironnement en Afrique », est coordonné par le laboratoire Archéologie et Peuplement de l’Afrique, à l’Unité d’Anthropologie de l’Université de Genève, et regroupe plusieurs équipes de chercheurs européens et sénégalais. Les différents volets du projet se répartissent selon deux grands thèmes transversaux.

A. Transitions et ruptures dans le temps long

Les conditions géomorphologiques de la vallée de la Falémé ont été propices à la conservation de nombreux témoignages paléoenvironnementaux et archéologiques, concernant principalement certaines périodes charnières importantes. Ce contexte offre ainsi l’opportunité d’étudier plusieurs phases de transitions techno-culturelles significatives mais demeurant mal connues à l’échelle du continent africain.

La transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur, voire le Néolithique ancien, à la charnière entre Pléistocène et Holocène, est représentée par plusieurs sites stratifiés ayant livré des industries Levallois et lamino-lamellaires jamais documentées en Afrique subsaharienne et qui, par comparaison avec l’Europe ou le Proche-Orient, se situer potentiellement dans cette transition d’un point de vue chronologique.

La transition entre les sociétés à industries lithiques et les sociétés à industries métalliques, à la fin de l’Holocène récent, est documentée par de nombreux sites caractérisés par des assemblages céramiques apparemment comparables, associés pour les uns à de l’outillage lithique et pour les autres à des vestiges métalliques. Si certaines études anciennes ont abordé la perduration tardive de l’usage des industries lithiques dans certaines parties du continent, aucune étude approfondie n’a été menée en Afrique de l’Ouest sur les modalités et l’insertion chronologique de ce passage et sur les probables modifications sociales consécutives.

La vallée de la Falémé longe la célèbre région aurifère du Bambouk, dont l’or aurait, selon les sources historiques, généré la richesse des empires régionaux, depuis celui de Ghana dans la deuxième moitié du 1er millénaire de notre ère, et intégré la région aux circuits commerciaux à longue distance. Les premiers travaux sur le terrain ont mis en évidence une occupation importante de la vallée datée entre le 1er et le 12ème siècle de notre ère, offrant la possibilité d’étudier la transition entre l’Âge du Fer et les sociétés produisant de l’or pour les premières grandes formations étatiques ouest-africaines.

A Farabana, la fouille et les recherches historiques sur un établissement précolonial remontant au début du 18ème siècle et armé de canons en fonte permet d’aborder l’un des aspects les plus méconnus de l’archéologie coloniale en Afrique, à savoir les premières installations occidentales précoloniales à l’intérieur du continent, mais aussi sur leur rôle dans le basculement progressif de l’Afrique vers la domination coloniale. Ce site permet donc d’étudier les transitions induites par l’avènement des premiers comptoirs européens précoloniaux.

Enfin, les transitions entre populations historiques et populations actuelles peuvent être abordées à partir de nettes différences constatées entre les céramiques visibles sur la majorité des sites archéologiques et celles utilisées par les populations actuelles. Des enquêtes ethnoarchéologiques et ethnohistoriques systématiques s’attachent ainsi à préciser les ruptures, les transitions et les emprunts dans le domaine des techniques et des cultures matérielles.

B. Approche actualiste de la mobilité et des cultures matérielles

Les premières missions le long de la Falémé ont permis de constater l’importante mobilité de certaines populations de la vallée. Cette mobilité est souvent synonyme d’abandon des villages, dont les vestiges présentent des caractéristiques variables, notamment dans certains cas l’absence significative de certaines catégories de structures ou d’artefacts en surface. Les causes de cette mobilité semblent diverses et n’ont jamais fait l’objet d’études systématiques. Une approche confrontant observations des sites abandonnés, étude ethnoarchéologique de l’architecture vernaculaire et enquêtes ethnohistoriques sur l’histoire du peuplement vise à établir les mécanismes de ces migrations. L’objectif à plus long terme est de contribuer à la compréhension des vestiges laissés par des populations mobiles dans des contextes de savane africaine. La découverte de fours de réduction presque intacts, dont le fonctionnement est encore connu de certains forgerons de la région de Kondokhou, offre l’opportunité unique de documenter une technique sidérurgique aujourd’hui abandonnée. Enfin, une approche ethnoarchéologique est développée pour documenter les traditions céramiques peul et malinké de la moyenne et haute vallée de la Falémé, la production de poteries ayant tendance à diminuer parallèlement à l’intensification de l’orpaillage.