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Les paysages végétaux holocènes et l’occupation du sol au Pays dogon

La rive droite du Yamé, juste avant la confluence. Tout à gauche, le site des Varves Ouest. Photo Y. Le Drezen

La rive droite du Yamé, juste avant la confluence. Tout à gauche, le site des Varves Ouest. Photo Y. Le Drezen

Objectifs généraux

L’objectif des recherches archéobotaniques au Pays dogon est la reconstitution de la végétation holocène et ses dynamiques, en se concentrant sur les changements climatiques et les relations Sociétés/Environnement.

Questions clés

  • – Quelles étaient les conditions environnementales qui ont pu favoriser la production de la céramique à l’Holocène ancien ?
  • – Comment durant la transition de l’Holocène moyen et de l’Holocène récent la flore et la végétation étaient affectées par les feux anthropiques et par l’élevage (actuellement encore non certifiés)?
  • – Comment ont la flore et la végétation ont été influencées par les débuts de l’agriculture du petit mil et par une intensification de l’agriculture par des feux réguliers durant le 2ème millénaire avant notre ère ?
  • – Comment et quand les savanes-parcs agroforestières à Faidherbia albida, actuellement dominantes, ont-elles été établies ?
  • – Quelles étaient les conséquences écologiques de l’exploitation du bois par la métallurgie du fer et la production de céramique durant les périodes récentes et en particulier au cours du dernier millénaire ?
Enquêtes ethnobotaniques à Gologou.

Enquêtes ethnobotaniques à Gologou.

Sources d’informations archéobotaniques

Les sédiments fluvio-palustres holocènes à Ounjougou déposés par le Yamé et ses affluents sont particulièrement riches en restes botaniques au sein de dépôts laminés et bien datés. En raison d’une position géographique à la limite actuelle entre la zone soudanienne et sahélienne, les changements climatiques et végétaux peuvent être facilement retrouvés dans les archives archéobotaniques. Généralement, la végétation des rives du Yamé est sur-représentée et les derniers siècles ne sont pas bien enregistrés dans les dépôts. Parallèlement aux études menées in situ, des missions éloignées du site d’Ounjougou sont effectuées principalement dans le but d’analyser les macro-restes provenant de sites archéologiques (par exemple les sites de métallurgie du fer, les tertres d’habitat). Elles permettent de remplir des « lacunes temporelles » des séquences d’Ounjougou et sont susceptibles de représenter l’ensemble de la diversité des types de végétation sur le Plateau dogon.

Approches précédentes et actuelles des recherches archéobotaniques

Les données précédentes des missions archéologiques et paléoenvironnementales à Ounjougou ont permis de définir cinq grandes phases de dynamiques des paysages à l’Holocène et de réaliser un premier scénario des changements de végétation et des oscillations climatiques. Les recherches paléobiologiques actuelles, en étroite relation avec les études chronostratigraphiques et géoarchéologiques, visent à une séquence à haute résolution de la vallée du Yamé et du Plateau dogon. Outre cette réalisation à une échelle temporelle fine, nous souhaitons établir une discrimination claire des facteurs naturels et anthropiques, engendrant des changements de paysages. Une approche multiple est appliquée par des archives de macro-restes botaniques (charbon de bois, tiges, d’herbes, de graines et de fruits) et de micro-restes (pollen, phytolithes, diatomées et micro-charbons qui permettent de connaître la période de combustion), qui sont tous originaires des mêmes échantillons sédimentaires. Les résultats archéobotaniques peuvent être directement corrélés avec les analyses sédimentaires et micromorphologiques, qui indiquent également les changements environnementaux.

Aperçu des dynamiques de végétation à l’Holocène sur le Plateau dogon

Sous l’influence des changements climatiques et par l’impact anthropique, en particulier par des feux de brousse et par l’agriculture, les savanes autour d’Ounjougou ont changé durant ces 12 000 dernières années.

L’Holocène ancien:

10-9ème millénaires BC (HA2-HA3), site du Ravin de la Mouche:

Dominance d’une prairie ouverte sahélienne, forêt galerie avec Syzygium et quelques espèces soudano-sahéliennes. L’activité des feux était faible.

8ème millénaire BC (HA4), site du Ravin du Hibou:

Les savanes soudano-guinéennes dominent sous une influence de fortes précipitations en présence de quelques feux de brousse.

L’Holocène moyen:

6-5ème millénaires BC (HM2 et HM4), sites des ravins du Hibou, du Balanites, du Vitex et du Detarium:

Le bambou africain domine dans les spectres anthracologiques. Il est localisé à proximité des mares et des cours d’eau, en relation avec Uapaca et Syzygium. Les savanes et les fôrets claires sont principalement caractérisés par les Sapotaceae (karité), Detarium, Prosopis et Terminalia.

Modèle d’organisation des microfaciès sédimentaire de la séquence HR1. Dessin L. Lespez

Modèle d’organisation des microfaciès sédimentaire de la séquence HR1. Dessin L. Lespez

La transition Holocène moyen – Holocène récent:

4ème millénaire BC (HR1A), Site de la Termitière:

Les forêts galeries ont encore une dominance d’espèces méridionales (Syzygium, Uapaca). Une mosaïque de savanes alternant localement avec des forêts claires et sèches se localise sur les sols bien drainés avec plusieurs taxa arborés soudano-guinéens (Lophira, Parinari), qui sont aujourd’hui absents de la région. Les feux de brousse sont fréquents en raison d’une biomasse abondante, leur origine anthropique reste toutefois à être certifiée.

Caryopse de petit mil (Pennisetum glaucum ssp. glaucum). Photo B. Eichhorn

Caryopse de petit mil (Pennisetum glaucum ssp. glaucum). Photo B. Eichhorn

L’Holocène récent:

3ème millénaire BC (HR1B), Site du Ravin Sud:

Les changements de végétation indiquent une aridification progressive des paysages. Les espèces soudano-guinéens deviennent rares dans les savanes et les fôrets claires. Elles persistent seulement dans les forêts galeries. Les espèces pyrophiles et celles capables de rejeter des souches sont en augmentation en raison d’une présence de feux et par les activités de défrichement.

2ème et 1er millénaires BC (HR2A, HR2B, HR2C), sites des Varves et du Rônier:

La culture du petit mil au cours du 2ème millénaire BC est confirmée par des datations directes de caryopses carbonisées. Les incendies sont annuels avec des feux précoces et tardifs, attestant du rôle des sociétés. La micromorphologie atteste une saisonnalité forte et une diminution des précipitations. Mais le climat encore humide favorise la persistance de plusieurs espèces, qui sont absentes aujourd’hui. Les taxa soudano-sahéliens sont en nettes augmentation. Les résultats palynologiques indiquent la création de parcs à Parkia-Vitellaria. La composition des espèces de forêts galeries restent d’abord inchangée, puis progressivement une diminution des éléments méridionaux s’effectue durant cette période.

L’Holocène terminal:

2ème millénaire AD (HT4, HT5 et HT6), les sites du Ravin Sud, des Unio et de métallurgie du fer:

Quelques changements distincts de végétation se produisent durant ces derniers siècles. Les taxa à haute capacité régénératrice, comme Combretum glutinosum sont aujourd’hui très présents sur le Plateau dogon. L’intensification de l’agriculture et l’exploitation des arbres à haute qualité de combustion pour la métallurgie du fer sont des raisons probables pour expliquer ces changements récents. Les feux sont aujourd’hui complètement absents sur le Plateau dogon et auraient disparu vers le 15-16ème siècle, selon nos données acquises par la méthodologie du signal incendie. Les parcs à Faidherbia albida ont probablement été créés récemment, car ils sont absents dans les données archéobotaniques.

Barbara Eichhorn, Katharina Neumann, Yann Le Drezen, Aziz Ballouche, Laurent Lespez, Ahmed Fahmy