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Une séquence stratigraphique pléistocène complexe

Les plus anciens témoignages de l’évolution géomorphologique du plateau de Bandiagara ont été regroupés sous l’appellation Unité 1. Il s’agit essentiellement de formations alluviales grossières (constituées de galets issus des grès) parfois recouvertes de cuirassements latéritiques et souvent mal conservées. Photo M. Rasse

Les plus anciens témoignages de l’évolution géomorphologique du plateau de Bandiagara ont été regroupés sous l’appellation Unité 1. Il s’agit essentiellement de formations alluviales grossières (constituées de galets issus des grès) parfois recouvertes de cuirassements latéritiques et souvent mal conservées. Photo M. Rasse

Dans les parties profondes, la stratigraphie du Pléistocène met en évidence la répétition de phases d’accumulation sédimentaire et de phases d’incision verticale, lesquelles traduisent les modifications hydrologiques que le plateau a subies. Ainsi on peut également opposer aux formations fines, dominantes, qui relèvent d’une accumulation de sédiments d’origine éolienne, auxquels s’ajoutent les particules issues du remaniement de formations superficielles ou de sols (U2, U3, U4, U5), les formations alluviales plus grossières, caractérisées essentiellement par des sables et des cailloutis (U1, chenal de la base de U5, U6). La complexité de la géométrie des formations, ainsi que la difficulté de comprendre les raccords stratigraphiques d’un secteur à l’autre, ont très tôt motivé des campagnes de datation absolue (par la méthode OSL ; faire le lien avec le texte de Chantal). Les résultats permettent néanmoins de confirmer globalement l’approche de terrain. Compte tenu des différentes données chronostratigraphiques, le matériel antérieur au stade isotopique 5 pourrait être représenté notamment dans le vallon du Ménié-Ménié et dans le Ravin Sud, restreint apparemment à un peu d’arène gréseuse conservée localement et à quelques restes de formations alluviales cuirassées (U1).

Au-dessus, le Pléistocène supérieur constitue l’essentiel du matériel qui comble les reliefs développés dans les grès :

L’Unité U2 correspond à une épaisse formation polygénique (antérieure à 60 ka), essentiellement composée de silts, qui se termine par un paléosol très nettement reconnaissable (partie basse de l’image). Photo M. Rasse

L’Unité U2 correspond à une épaisse formation polygénique (antérieure à 60 ka), essentiellement composée de silts, qui se termine par un paléosol très nettement reconnaissable (partie basse de l’image). Photo M. Rasse

– Le matériel de l’unité sédimentaire appelée U2 est surtout composé de silts blanchâtres extrêmement compactés, dont l’origine éolienne est fort probable même si les particules ont été maintes fois remaniées, mais il existe également des passées alluviales de granulométrie fine à moyenne. Cette unité est grosso modo antérieure à 60 Ka mais la base n’est pas bien cernée. Si cette masse n’est pas homogène, elle possède toutefois des caractéristiques particulières qui l’individualisent nettement par rapport aux autres formations, et notamment par rapport aux dépôts de la fin du Pléistocène. Très tôt ont été en effet observés les modelés de détail établis aux dépens de ces silts, notamment à Kokolo, à Dandoli et à Oumounaama, où le matériel s’exprime en buttes blanches exhumées des formations postérieures. Les modelés de détail sont à associer à une très importante compacité qui est elle-même à mettre en relation avec la longue évolution pédologique que le matériel a ultérieurement subi : la couleur blanchâtre, la forte proportion d’indurations et de pisolithes ferrugineuses (jusqu’à 3-4 cm dans les parties profondes) sont favorables à l’interprétation de pédogenèses complexes à hydromorphie marquée succédant à une illuviation en milieu mieux drainé (N. Fedoroff in Huysecom et al., 1999).

Cette photo illustre bien les dépôts successifs de la période 50-30 ka : sur les grès, le matériel U3 (base de la coupe et partie gauche) est recouvert par U4 (moitié basse de la verticale) puis par U5 (en chenaux successifs dans la partie haute). Les limons superficiels holocènes (au sommet) témoignent de la topographie en glacis-terrasse pré-ravinements. Photo M. Rasse

Cette photo illustre bien les dépôts successifs de la période 50-30 ka : sur les grès, le matériel U3 (base de la coupe et partie gauche) est recouvert par U4 (moitié basse de la verticale) puis par U5 (en chenaux successifs dans la partie haute). Les limons superficiels holocènes (au sommet) témoignent de la topographie en glacis-terrasse pré-ravinements. Photo M. Rasse

– Après une phase d’incision du réseau hydrographique, s’accumulent les ensembles U3 et U4. Ils se déposent grosso modo entre 50 ka et 40 ka. Ces unités sont bien représentées dans le secteur d’Oumounaama et peut-être aussi, dans des imbrications sédimentaires sans doute complexes, dans la vallée en amont de la Confluence. Le matériel est à dominante fine, composé de silts dans lesquels les passées grossières sont extrêmement rares. La couleur dominante est l’ocre jaune, mais dans le détail, les couleurs traduisent l’évolution pédologique ultérieure, plus ou moins marquée par l’hydromorphie. L’unité U3 se reconnaît à sa compacité et à ses micro-fissures de dessiccation superficielle, alors que l’unité U4 est caractérisée par une stratigraphie assez régulière en bancs épais de quelques dizaines de centimètres.

Cette unité 6 tranche par ses caractéristiques : elle est riche en pisolithes ferrugineuses issus des cuirassements latéritiques du plateau. On ne sait que peu de choses sur la période (entre 30 et 20 ka) et sur les conditions paléoclimatiques de mise en place. Photo M. Rasse

Cette unité 6 tranche par ses caractéristiques : elle est riche en pisolithes ferrugineuses issus des cuirassements latéritiques du plateau. On ne sait que peu de choses sur la période (entre 30 et 20 ka) et sur les conditions paléoclimatiques de mise en place. Photo M. Rasse

– Discordantes également, les dernières formations du Pléistocène supérieur finissent de remblayer la vallée. Elles ne sont pas toutes directement datées pour l’instant, mais stratigraphiquement paraissent représenter au moins l’intervalle 30-18 ka. U5 qui se dépose entre 40 ka et 30 ka est constituée d’un matériel très limoneux débutant par un niveau d’alluvions grossières. Cette unité s’individualise de l’ensemble sédimentaire sous-jacent par sa couleur dominante ocre jaune -même si certains niveaux blanchâtres suggèrent une évolution sous hydromorphie marquée- et par ses modelés d’érosion superficiels, plutôt en coussinets ou en « croûtes de pain », bien différents des « draperies » et des figures d’érosion développées dans le matériel antérieur. À son tour, U6 se distingue de U5 par une granulométrie homométrique de petits cailloutis, traduisant un départ des fines et un remaniement par des écoulements de surface plus actifs, par sa composition riche en pisolithes remaniés des cuirassements ferrugineux et par sa couleur nettement plus rouge. Cette nouvelle formation -non datée- termine la phase de remblaiement de la vallée à la fin du Pléistocène.

Seules quelques rares formations éoliennes sont reconnaissables dans le secteur d’Ounjougou (ici à Dandoli). Elles témoigneraient des conditions arides de la période « ogolienne », mais n’ont pas encore fait l’objet d’investigations ciblées. Photo M. Rasse

Seules quelques rares formations éoliennes sont reconnaissables dans le secteur d’Ounjougou (ici à Dandoli). Elles témoigneraient des conditions arides de la période « ogolienne », mais n’ont pas encore fait l’objet d’investigations ciblées. Photo M. Rasse

Vers 20000 BP, la vallée du Yamé est remblayée ; les reliefs sont très peu marqués à proximité du cours d’eau principal et les sols sont bien développés. L’épisode aride de l’Ogolien, reconnu généralement entre 20000 et 15000-13000 BP (avec sans doute un maximum entre 19000 et 17500 BP), met apparemment fin à cette évolution. À Ounjougou, cette période ne se traduirait que par quelques rares formations dunaires (appelées U7 dans nos publications ) que l’on retrouve dans le secteur de Dandoli-Kokolo.

D’un point de vue strictement sédimentaire, il y a un hiatus entre le dépôt U6 caractérisant la fin de la phase de remblaiement du Pléistocène supérieur et les premiers remplissages canalisés de l’Holocène attribuables au moins au Xe millénaire BC.

Michel Rasse